Au cœur du patrimoine icaunais

Les fontaines salées

Méconnu du grand public, le site archéologique des fontaines salées situé dans le sud de l’Yonne demeure un lieu unique en Europe.

L’Yonne possède un patrimoine riche, mais connaissiez-vous le site des fontaines salées ? Situé à Saint-Père, le site vieux de 4300 ans témoigne de l’ingéniosité de l’Homme à extraire le sel issu d’eau salée.

Une chanson aux origines de la découverte

Ce n’est qu’à la suite de fouilles entre 1934 et 1965 que le site archéologique est découvert par René Louis, médiéviste. Il a pour ambition de mettre au jour le site de la bataille de Vaubeton à partir de la chanson de geste de Girard Roussillon. Alors qu’on s’attendait à trouver un champ de bataille, 19 puits servant à la production du sel par exploitation des sources d’eaux salées sont découverts, ainsi que des thermes chauffés et deux sanctuaires.

Le sel, objet de convoitise

L’eau salée disponible sur le site est issue d’un phénomène géologique unique dans la région. C’est le croisement de différentes failles qui fait jaillir une eau profonde, salée, et légèrement radioactive.

Le sel est au cœur de plusieurs enjeux à l’époque. Tout d’abord dans la conservation des aliments, notamment de la viande et du poisson. En effet, le salage permet de prolonger la durée de conservation des aliments afin d’avoir un stock de nourriture suffisant lors des périodes de pénurie par exemple.

Le sel peut également être objet de commerce lors du néolithique final. Le sel est un indicateur de statut social, il sert de monnaie d’échange contre des biens de la vie de tous les jours.

La fin du Moyen-âge va voir émerger les « faux sauniers », des trafiquants de sel à la suite de la gabelle, l’impôt sur le sel. Le sel est alors entreposé dans des greniers à sel, seuls endroits pour acheter du sel. La vente frauduleuse de sel va être une alternative chez les moins riches pour survivre face à cette taxe qui frappe les plus pauvres.

Il était une fois… Les fontaines salées

Anciennement appelé « le puits de sel », les premiers puits de captage de l’eau salée servant à extraire le sel (aujourd’hui appelées fontaines salées) dateraient du Néolithique final, soit 2400 ans avant notre ère. Les puits sont fabriqués à partir de troncs de chênes évidés, étanchéifiés à l’aide de mousse et d’argile et creusés dans le sable afin d’y extraire le sel par évaporation. La datation des puits est permise grâce aux troncs de chênes par dendrochronologie (nombre de cernes sur le tronc). Étant donné de la très bonne conservation des chênes, sur les 19 puits connus, 14 résistent encore et toujours et sont visible sur le site.

Le site est ensuite abandonné. Les puits sont en partie recouverts par la Cure (rivière), avant d’être réutilisés lors de l’Age de fer, soit 1 millénaire avant notre ère. Les installations servent à récupérer du sel par le feu.

Au Ier siècle, un premier sanctuaire gallo-romain voit le jour. Le sanctuaire est un bassin carré occupant une enceinte circulaire de 34 mètres avec la margelle en dalle. Aux IIe-IIIe siècles, un second sanctuaire vient s’accoler au premier. Il s’agit d’un vestibule avec une longue galerie à colonnade donnant lieu sur un grand bassin dallé. Ces aires sacrées sont des lieux de culte et bénéficient de toutes les offrandes qui peuvent y être faites. On y retrouve notamment des pièces de monnaie.

En plus des sanctuaires, un ensemble thermal est construit sur le site au Ier siècle. Les thermes sont des lieux au cœur de la civilisation romaine. Ce sont des lieux d’hygiène et de purification, mais aussi de détente et de rencontre à l’époque gallo-romaine. Les sources d’eaux salées n’étant pas assez abondantes pour assouvir les besoins des thermes, il est très probable que de l’eau douce était acheminée d’une source proche. L’ensemble subit un agrandissement dans le courant des IIe-IIIe siècles où l’empreinte romaine se fait plus forte. Les thermes deviennent mixtes, accessibles aux hommes et aux femmes. Des vestiaires, latrines et bains tièdes ou à vapeur y sont également construit. Mais la réelle innovation réside dans le système de chauffage installé, dit hypocauste. Ce système permet la circulation d’air chaud par le sol et couvre l’ensemble des termes.

Les baigneurs venant aux thermes pour s’y baigner suivent un parcours précis. Ils arrivent dans les termes et vont aux latrines afin de rejoindre le vestiaire chauffé. Ils vont ensuite se faire masser dans une étuve sèche, puis vont se baigner dans la piscine chaude et finissent par la piscine froide.

Le site connaît ensuite une destruction, seule l’exploitation de sel subsiste et les habitants vont puiser l’eau pour obtenir du sel pour leurs foyers. Cela va perdurer jusqu’à la fin du moyen Age, vers 1300 avec l’instauration de la gabelle (impôt sur le sel) où l’activité d’extraction du sel va être mise à terme. Le site va être remblayé jusqu’au XVIIIe siècle pour faire face à la vente frauduleuse de sel.

Et aujourd’hui ?

Le site archéologique des fontaines salées est désormais ouvert aux visites pour des prix très abordables. La visite se divise en deux, une partie intérieure avec des trouvailles archéologiques et une partie extérieure avec les vestiges archéologiques. Le site se veut accessible pour tous et innovant : un plan-guide est disponible en français, anglais, allemand, italien et espagnol. Un parcours ludique est conçu pour les 6-12 ans accessible avec l’application smartphone Guidigo. Le site est également adapté aux personnes à mobilité réduite, avec un livret FALC (facile à lire et à comprendre) disponible à la demande.

Pour en savoir plus:

Les Fontaines Salées Commune de Saint-Père 89 (saint-pere.fr)

Dépliant explicatif sur les fontaines salées

Article réalisé par Killian Cestari (Stagiaire juin 2023)